dimanche 16 décembre 2007

Fondation des Abbayes par Eugibalde

Selon Dom Calmet, c’est vers 1090, qu’Engibalde, prêtre hebdomadier du Chapitre des Dames de Remiremont, se sentit appelé à une vie de solitude complète. Il obtint de l’abbesse Gisla la permission de chercher, dans la sombre forêt, qui s’étendait au sud de la ville, un lieu propre à exécuter son projet. Il s’arrêta au flanc du Ban Nord, près d’un petit ruisseau et s’y construisit une cabane de branchages. D’après le Prologue de la Règle d’Hérival, sa détermination s’expliquerait par des revers de fortune : « Un prêtre, nommé Engibald, originaire de la région des Vosges, accablé par les épreuves du siècle (Etait-ce pour se cacher face à l’Inquisition qui traquait dans toute la France les érétiques ? Marc Masson 1998 ), affligé par de grands revers de fortune, poussé, pour ainsi dire, vers le port par les flots, gagna un désert nommé Hérival, proche de Remiremont.

C’était un rude ermite qu’Engibalde ; caractère entier, il entendait pratiquer une vie rigoureusement austère et solitaire. Le lieu choisi répondait bien à ce dessein : vivant au flanc d’une vallée isolée, sur une pente abrupte et sauvage, qui atteint 700 mètres d’altitude, sans autre horizon que les fûts et les cîmes des sapins, sans chemin tracé, au milieu des rochers épars, des ronces et des plantes sauvages avec pour compagnons les bêtes de la forêt : sangliers , loups , cerf, coqs de bruyère, oiseaux de proie et rapaces nocturnes, l’ermite improvisé dut avoir une existence exceptionnellement rude durant les premiers mois de sa retraite. L’eau de la Goutte des vieilles Abbayes lui fournissait une boisson pure et fraîche, mais on se demande d’où il tirait ses aliments : racines, herbes, fruits sauvages durant la belle saison, mais pendant le long hiver, comment pouvait-il subsister ?

Aucun biographe ne nous écrit la vie d’Engibalde aux Vieilles Abbayes ; on rêve de quelque légende dorée, d’un corbeau lui apportant du pain, mais l’histoire est muette. Et cependant, elle nous permet de croire que le solitaire ne fut pas abandonné par les Dames du Chapitre de Remiremont et même que de pieux fidèles de cette ville eurent à coeur de ne pas laisser mourir de faim.

Et puis, bientôt, des visiteurs se présentant, à qui il accorda des entretiens spirituels ; plusieurs, touchés de ses exhortations, lui demandèrent la permission de partager sa vie et de construire une cabane à proximité de la sienne. Un groupement d’ermites se forma, sans règle précise, sinon celle d’un renoncement total ; écoutons encore le Prologue de la Règle: « Pour vaincre les ennemis spirituels (c’est-à-dire le démon), il s’associa quelques disciples, plus vigoureux d’âme que de corps ; il donna à cette petite troupe les flèches spirituelles ; il endura (l’endura pour un cathare consistait à se laisser mourir de froid) avec ses compagnons d’armes la faim, la soif, le froid, le manque de vêtement et les autres privations qu’il faut soutenir et que l’on recherche au service de Dieu ». Un tel programme n’effraya pas Wichard, le propre frère d’Engibalde, mais, sur d’autres points, le maître passait la mesure de la discrétion, au point qu’il tomba dans des erreurs proches de celles qu’illustrèrent les Albigeois et les Fraticelles. En effet, il en arriva à rejeter l’usage des sacrements, la prière publique de l’Office divin et la célébration du Saint Sacrifice de la Messe ; partant, il refusa de construire un oratoire, d’avoir des cloches, de se servir d’encens et de pratiquer le chant sacré.

En vain, Wichard et plusieurs de ses disciples tentèrent-ils de le faire revenir sur sa décision ; en vain, Pibon, évêque de Toul, et son successeur Ricuin lui représentèrent-ils qu’il tenait des positions condamnées par l’Eglise comme hérétique, Engibalde, médiocre théologien, mystique égaré et Vosgien entêté, fit la sourde oreille.

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