samedi 15 décembre 2007

La Première Belgique

Lorsque César arriva dans les Gaules, les Vosges étaient habitées par les Celtes, que les uns font venir du nord, les autres de l'Orient. Ce pays servait de limite entre les Sequani, (habitants de la Bourgogne et de la Franche-Comté) et les Leuci (Leukes) qui avaient pour capital Toul. (On comprend mieux le choix des premiers chrétiens de cette ville pour première capital) La chaîne de montagnes sur laquelle la table théodosienne représente une longue forêt qu'elle nomme Sylva Vosagus, commence aux confins des Lingones (pays de Langres), couvre la partie septentrionale du pays des Sequani et se prolonge, vers le nord, entre les Leuci et les Mediomatrices (peuples du pays de Metz), d'un côté, les Tribocci (Triboques) et les Nemetes (dans le Paltinat, en-deçà du Rhin), de l'autre. Telle était l'ancienne étendue des Vosges.



Les Gaules furent divisées par César en trois grandes provinces: l'Aquitaine, la Celtique, et la Belgique. C'est dans cette dernière, limitée à l'est et au nord par le cour inférieur du Rhin, et qui s'étendait au nord-ouest jusqu'à l'Océan britannique, qu'étaient compris le pays dont nous parlons. Auguste partagea les Gaules en sept provinces et sépara des Celtes proprement dits, les Sequani, les Helvetii, les Leuci et quelques peuples voisins de ces derniers, qu'il incorpora dans la première Belgique dont Trêves était la capitale. Constantin porta le nombre de ces provinces à dix-sept, et, au VIIe siècle, la première Belgique fut divisée en vingt-quatre cantons. Les Belges étaient regardés comme le peuple le plus vaillant des Gaules: ils devaient cette supériorité à leur éloignement de la province romaine, dont ils n'avaient pu contracter les habitudes de luxe, et à leurs luttes continuelles avec les tribus germaines de l'autre rive du Rhin. Les Belges n'avaient d'autre occupation que la chasse et la guerre et ne vivaient ordinairement que de lait, de chair et de fromage. Ils n'avaient point de villes, et il ne leur était pas même permis de réunir un certain nombre d'habitations ; leurs demeures, fermées d'un vaste enclos qui les séparait les unes des autres, s'élevaient, çà et là, au milieu d'un champ, près d'un bois, sur le bord d'une fontaine ou d'un ruisseau. Les terres étaient partagées annuellement, afin que l'amour de la propriété ne pût s'emparer de leurs possesseurs, faire naître en eux l'avarice et les détourner des exercices militaires. Ils appelaient cité un pays ou un canton. En temps de guerre, chaque cité élisait un magistrat qui avait droit de vie et de mort sur ceux qui l'avaient nommé. En temps de paix, le chef de chaque canton rendait la justice à ceux qui étaient sous sa dépendance et terminait les différends. Les habitants de la Belgique adoraient assez généralement cinq divinités principales: Teuth ou Teutah, le père du peuple ; Hésus ou Esus, à qui le chène était consacré ; Bélen, le soleil, qu'on invoquait dans les maladies ; Kamulus, le dieu de la guerre ; Nehalen ou Ardoïna, la lune, qui présidait aux fontaines et aux lacs. Outre ces divinités supérieures, ils admettaient un grand nombre d'autres dont l'importance était locale et dont les attributions nous sont à peu près inconnues. Les peuples des Gaules comprenaient trois ordres de citoyens: les druides, les guerriers et le peuple proprement dit. Habitants des forêts profondes et sacrées, dépositaires d'une langue et de traditions mystérieuses, présidant aux sacrifices où ils immolaient souvent des victimes humaines, interprètes des augures, juges des procès, appelés aux délibérations publiques et chargés de l'instruction de la jeunesse, les druides exerçaient l'influence la plus puissante sur le gouvernement des affaires. Aucune décision importante n'était prise contre leur avis. Les guerriers convoquaient le peuple aux assemblées, décrétaient la paix ou la guerre, appelaient les citoyens aux armes et les conduisaient aux combats. Le peuple était réduit au plus rude esclavage. On trouve des traces du culte des celtes dans de nombreux endroits des Vosges. C'est en reconnaissance de la protection qu'ils trouvaient dans les forêts des Vosges, que les Gaulois ajoutèrent le Dieu Vosegus à la série de leurs divinités. Au temps de la domination romaine, la première Belgique se divisait en plusieurs grandes cîtés ou provinces, parmi lesquelles celles des Médiomatriciens et des Leukes, qui se subdivisaient à leur tour en canton ou pagi. Le pays des Leukes, dont les habitants, dit Lucain, étaient habiles à lancer des dards, comprenait, dans sa vaste étendue reproduite à peu près par l'ancienne circonscription du diocèse de Toul, plusieurs de ces cantons: c'étaient, entre autres, le Chaumontois ( Calvomontensis pagus ), qui se prolongeait depuis les montagnes des Vosges jusqu'à la jonction de la Meurthe et de la Moselle, au-dessous de Frouard ; l'Ornois ( Odornensis pagus ), qui se glorifiait des villes de Grand et de Nasium (Naiz); le Soulossois ( Solossensis pagus ), où se trouvait Solimariaca (Soulosse) et Neomagus (Neufchâteau), et les deux stations de Romain-sur-Meuse et Romain-aux-Bois ( Statio Romanorum ad nemora ) ; le Saintois ( Sengentensis ou Segontensis pagus ), qui comprenait le pays de Vaudémont et une partie des arrondissements de Mirecourt et de Neufchâteau ; le Portois, situé sur les rives de la Saône, vers Ameuvelle et Monthureux ; enfin le Bassigny qui s'étendait sur la Champagne, le Barrois et une portion de l'arrondissement de Neufchâteau. César avait assuré aux Leukes le maintien de leurs usages et de leur indépendance, afin d'obtenir leur alliance et des vivres pour son armée, et de trouver leur courage un rempart qui protégeât son occupation contre les invasions germaines. Ils reçurent le titre d'alliés du peuple romain, et conservèrent le droit de se gouverner par leurs assemblées de province. La langue des Belges, mélange grossier du celte et du tudesque, se fondit peu à peu avec la langue latine, et, avec les mots, les peuples adoptèrent les usages qui initiaient à des jouissances inconnues: l'urbanité romaine adoucit la férocité germanique, et le contact des deux peuples produisit lentement et sans efforts ce que n'avait pu opérer la conquête. Un fait remarquable à signaler dans la période que nous venons de décrire, c'est l'établissement du christianisme dans nos contrées: la capital des Leukes, Toul, n'était pas seulement le chef-lieu d'une province ; elle était devenue une métropole chrétienne, et les rives du Vair avaient vu des martyrs sceller dans leur sang leur croyance à la religion nouvelle. Et pendant que le christianisme renversait les idoles et les temples des payens pour s'élever triomphant sur leurs débris, une invasion plus menaçante et plus terrible que celle des peuples de la Germanie s'apprêtait à fondre sur la Gaules, pour engloutir à jamais cette puissance romaine qui avait été si longtemps la dominatrice du monde, l'arrivée des Franks.

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